Mon miel le plus doux

1. Sur l’amour

Il faut parler de ses sentiments sans avoir peur de se faire rejeter. Dis que tu es tombée amoureuse, si c’est la vérité. Dis-le à toi-même et à celui que tu aimes. C’est si simple. Même si ce n’est que l’amour de ton côté. Tu seras soulagée en laissant sortir tes sentiments de ton cœur. C’est si difficile et si facile d’être sincère. En libérant son amour, tu deviendras non seulement libre, mais donneras aussi une chance à tes sentiments. Ils s’épanouiront ou disparaîtront. Et ainsi il y aura de la place pour un nouveau sentiment.

Aime, n’aie pas peur, brise-toi et refais-toi de nouveau, si c’est le vrai amour.  Sois courageuse. L’essentiel est d’apprendre à distinguer l’amour de l’attachement. Si en lâchant tu te sens soulagée et la tendresse et la chaleur s’emparent de ton cœur, alors c’est l’amour. On peut aimer en se trouvant tout près et à des milliers de kilomètres l’un de l’autre. Et si tu sens la tristesse et la douleur, file. Ce n’est pas l’amour. C’est l’attachement, la dépendance, la maladie. C’est ce qu’il faut craindre, et non pas que ton cœur soit brisé. Tout simplement parce que le cœur amoureux ne se brise pas. Il devient encore plus grand.

Chacun de nous a son chemin vers soi-même. Et avant de rencontrer soi-même, il faut traverser un chemin épineux. Perdre quelque chose et quelqu’un. Trouver, essayer ou faire du mal. Se briser en mille morceaux afin de se rassembler en un tout à nouveau. S’en aller pour revenir. D’abord, nous courons, en espérant que dans notre grand élan nous pouvons surmonter tout et tout le monde. Et cela continue comme cela pendant longtemps. Après avoir perdu beaucoup, nous comprenons vite ce que et qui nous cherchions.

Chaque chose en son temps. La naissance, le passage à l’age adulte, la maturité. Il doit être comme ça dans un monde idéal. Mais souvent tout se passe autrement. Alors, il semble qu’on ne peut rien changer. Tout comme qu’on ne peut pas rembobiner la bande, revenir en arrière. Il n’y aura pas de coucher du soleil sans l’aube. En comprenant et réalisant des échecs du passé, le principal est ne pas se laisser faire. Marcher, courir ou ramper, en léchant ses blessures. Qu’il en soit ainsi. A chacun son temps pour devenir mature et passer à l’âge adulte. Mon père répète souvent que tout doit se dérouler en son temps et les maillons de la chaîne vitale doivent se succéder. Chaque maillon a son temps et son lieu.

Un jour j’ai appris à aimer tout tendrement. Je me demandais toujours «Comment donc?” Comment peut-on aimer quelque chose ou quelqu’un absolument? Comment peut-on aimer le café sans le boire? Est-il possible d’aimer le miel sans s’en régaler? Est-il possible d’aimer un homme sans être à ses cotés? Peut-on souhaiter un bon matin à son chéri sans être avec lui? Il parait que c’est possible. J’ai eu la chance. Je l’ai appris.

Il ne me parle pas d’amour, en craignant de ne pouvoir pas exprimer l’essence des sentiments à cause de la différence des cultures linguistiques. Avec le sourire aux lèvres je suis d’accord. Est-ce que la langue peut limiter les mots qui jaillissent du cœur même? Le langage de l’amour n’a aucune restriction. « Я люблю тебе. Je t’aime». Les mêmes paroles peuvent être exprimées dans les différentes langues – l’ukrainien, le français, l’italien, le japonais et bien d’autres. Lorsque ton cœur parle, il sera sans doute entendu et compris.

 2. Sur la découverte de l’île

Nous faisons une halte dans les montagnes. Tu retires de la boîte à gants de voiture couverte de poussière les ciseaux  et montes sur la montagne. Mon nez sent un parfum vif. C’est le cumin. On le sent partout sur les pentes. Je cours vers toi. Je me pique les pieds et les mains. Pourtant un parfum parfaitement doux de petites fleurs bleues guérit toutes mes blessures. Je t’emprunte les ciseaux et recueille mon propre bouquet de fleurs. En soirée déjà je le frotterai entre les mains pour préparer la salade. Cette odeur vive, sèche fondra entre mes mains. Je n’ai jamais respiré auparavant l’odeur si magnifique de montagne. Les Montagnes de Crète sentent particulièrement bon. C’est mon paradis. Peut-être dans ma vie antérieure, j’étais Agia Galinienne et vivais justement ici.

Il y a des endroits où on se sent toujours bien. Que tu y arrives pour la première fois ou la dixième fois. Mais si tu reviens toujours dans le même endroit, il est sans doute à toi. J’ai eu un coup de foudre pour la Crète, surtout pour le petit village d’Agia Galini. Cet endroit m’a séduit dès la première visite. Maintenant, chaque fois je m’évade ici même dans les pensées, quand la grande ville essaie de m’écraser.

Lorsqu’on découvre sa vraie nature, on ne veut plus vivre autrement. On veut être plutôt que se laisser faire. Vivre plutôt qu’essayer de vivre. Le temps passe à un autre rythme sur l’île. Quelqu’un par une main soigneuse a enrayé la marche du temps, et tout s’est immobilisé. Il y a peu de choses à dire et beaucoup de sentiments.

Ma première visite après le parcours serpenté, que j’ai à peine survécu n’y étant pas habituée, a pris fin dans la taverne Georgiiasa directement au bord de la mer. Dans la petite taverne il n’y avait que le poisson et la salade à manger. Il n’y avait pas de fruits de mer, de soupes et de desserts. Tout était aussi ascétique que possible pour les tavernes du littoral. A cette époque j’ai goûté pour la première fois l’ouzo, la vodka grecque traditionnelle mélangée avec l’anis. J’ai fondu en larmes de surprise. Si forte était cette boisson. C’était très symbolique.

Les étreintes de la Crète se sont avérées aussi fortes et chaleureuses que celles de l’ouzo. Plusieurs années ont passé. La Crète ne me laisse pas toujours partir, me séduit de plus en plus. Je reviens ici de plus en plus souvent. Lorsque les gens du village Agia Galini apprennent comment je m’appelle, ils sourient et disent que je suis la première fille sur le littoral à avoir un si joli prénom. Je suis sûre que c’est une exagération, pourtant ça fait plaisir.

J’adore les serpentins des montagnes et j’y roule aussi vite que me permet mon vieux mais solide Porsche 911 et mon bon sens. Une fois j’ai failli tomber dans le précipice, mais, Dieu merci, tout s’est bien terminé. Personne ne le saura. Mais maintenant je suis prudente. Je m’arrête souvent pour admirer les montagnes. Chaque fois elles sont différentes, même au même endroit. Au début de l’été, les sommets sont recouverts encore de neige, ce qui fait penser au cœur froid des rochers. Les montagnes ne pardonnent pas d’erreurs ni aux courageux ni aux lâches. Si tu es dans les montagnes,  respecte-les toujours, mais méfie-toi.

 3. Sur Dieu

Un jour j’ai vu le Dieu. Et puis je pensais à ce que les gens penseraient de moi si je l’avoue à quelqu’un. Ne croiront pas. Penseront que je suis folle. Mais je suis sûre de l’avoir vu. Cette soirée-là je me sentais terriblement triste et seule. Ni la prière ni la méditation ni le sport ne m’ont aidé. Eh bien, il m’arrive de faire des crises. A ces moments-là, je pleure. Je pleure simplement et fort. Parfois, il me semble que même très fort. Mais comme on dit, qui ne  crie pas, ne trouvera pas sa troupe.

Après avoir crié et pleuré en abondance, je suis sortie sur le balcon de mon petit appartement loué en concluant que le Dieu ne m’entend pas. J’ai levé les yeux vers le ciel. Et alors je l’ai vu. Les nuages se sont accumulés brusquement sur le ciel étoilé et sombre qui en quelques secondes se sont transformés en visage du Créateur. C’étaient ses trois visages. J’ai vu les yeux, le nez, la barbe. J’ai étanché les larmes. Alors que les nuages s’évadaient déjà, en effaçant l’image sainte. M’a –t-il entendu ou suis-je devenue folle? Pourtant je ne pouvais pas accepter cette dernière supposition. Donc, je l’ai vu.

Je l’ai aussi observé en Crète. Je me dirigeais vers le monastère de Preveli (Preveli) avec un sentiment particulier. Il y a toujours peu de monde et beaucoup d’émotions. Je me souviens d’être entrée doucement à l’église. J’ai prié devant les vieilles icônes, en récapitulant mes péchés et erreurs. J’ai senti quelqu’un me regarder attentivement. Ce fut le prêtre. Il m’a appelé à son église et fait s’approcher de la niche d’église vitrée. A l’intérieur il y avait une croix miraculeuse. Comme cela j’ai reçu la bénédiction.

La croix miraculeuse avec la particule de la Croix de Dieu a une histoire étrange et mystérieuse. Ainsi, cette relique a fait l’objet à plusieurs reprises d’enlèvement du monastère.

Tout d’abord les Turcs ont essayé de l’emporter en bateau. Mais celui-ci n’a pas pu démarrer avec la croix à bord. Plus tard  les Allemands — en avion qui n’a pas pu décoller alors que la croix s’y trouvait. Et la croix était retournée dans son monastère. Pas tous les visiteurs du monastère méritent de recevoir la bénédiction des moines  par la croix miraculeuse.

Je ne m’y attendais pas non plus. Mais c’est ainsi que cela s’est passé. Je suis restée dans l’église pendant un certain temps, comme étant ensorcelée. Tout à coup j’ai vu une main invisible tourner les pages de la grande Bible ancienne, posée sur un support en bois. L’église était vide, il n’y avait aucun courant d’air. Et quelqu’un d’une main invisible feuilletait les pages de l’Écriture sacrée. J’ai regardé autour de moi encore une fois. A part moi il n’y avait personne dans l’église.

Je rentrais après le monastère à travers la gorge de Kourtaliotiko. C’est ici que se trouve la chapelle de Nicholas Kurtaliotiko, qui est souvent comparé avec Saint-Nicolas. Après avoir mis le foulard sur la tète, je commençais à descendre. Encore du haut, près de la route j’ai entendu le bruit de la chute d’eau qui rugit dans le col. Selon la légende, l’eau a jailli de l’endroit où le moine a frappé avec sa crosse, promettant aux gens qu’ils n’auront plus jamais soif. Les escaliers en pierre menaient dans les profondeurs de la gorge. Et voilà l’église elle-même. Sa décoration est simple et ascétique. J’ai ouvert soigneusement le verrou métallique et suis entrée à l’intérieur.

Les murs de l’église étaient décorées des icônes anciennes. Sur une petite table il y avait des bougies gratuites, une lampe éternelle était allumée. J’ai allumé une bougie. Mes genoux se sont pliés eux-même sous moi. Je priais longtemps, sincèrement et avec inspiration. J’ai entendu la porte d’entrée claquer à deux reprises. De surprise, j’ai sursauté et me suis tournée vers la porte lourde avec un verrou en métal. Mais personne n’est entrée à l’intérieur.

Ce sont les endroits —  ai- je pensé- que Dieu doit visiter. Là où tout le monde peut entrer à tout moment, ouvrir son cœur et demander à Dieu son vœux le plus cher. Partager avec lui tous les points douloureux, pénibles et portés longtemps dans le cœur. Cette petite église n’était jamais fermée ni le jour ni la nuit. Pour les visites les heures précises ne sont pas fixées. Pour parler avec Dieu il ne faut pas prendre un rendez-vous. Ici tu es toujours attendu.

  4. Sur les abeilles

Un jour mon père a décidé d’élever des abeilles. Voilà pourquoi j’adore le miel et suis devenue une vraie princesse de miel. Bien que ma première rencontre avec les abeilles n’ait été guère douce. Alors que les nouveaux habitants bourdonnaient gaiement dans la cour, je continuais à jouer. Tout à coup, les abeilles ont commencé à m’attaquer.

Je me souviens comment j’ai été piquée par une abeille la première fois.

C’était très douloureux. J’ai même pleuré. Le père m’a alors pris dans ses bras. Il m’a rassuré et a expliqué que la piqûre d’abeille était bénéfique pour la santé, que je serais plus forte et plus saine. Et qu’il ne fallait pas avoir peur des abeilles. Il suffit d’essayer de ne pas les déranger. L’abeille ne piquera pas pour rien. Il doit y avoir une bonne raison pour qu’elle décide de donner sa vie. Puisqu’ une piqûre d’abeille est mortelle surtout pour elle-même. J’aimais écouter mon père raconter des histoires sur les abeilles. J’aimais bien observer les abeilles sur les fleurs.

L’abeille est un petit mais véritable engin volant. Trois en un – le pilote, le navigateur et une petite avion. Vivre au jour le jour – voilà ce que font les abeilles. Puisque chaque jour  peut être le dernier pour les abeilles. Autour il y a de nombreux dangers. Même l’air peut être dangereux et chaque vol peut s’avérer le dernier. La grêle forte, la pluie torrentielle mortelle, le vent à rafales et les oiseaux de proie. En sortant de la ruche, l’abeille risque de ne plus revenir. Mais les abeilles n’y pensent pas et font leur travail chaque jour sans s’arrêter un instant.

Il parait qu’un véritable matriarcat s’observe chez les abeilles. La reine des abeilles, la plus grande abeille, gouverne un petit royaume. Elle se distingue par la taille et l’apparence. La reine des abeilles est grande et belle. Dans la ruche toutes les tâches sont strictement reparties, chaque abeille a sa mission. Ainsi, les abeilles ouvrières travaillent sans arrêt en apportant le nectar convoitée dans la ruche.

La reine des abeilles ne quitte pas la ruche  jusqu’à l’essaimage. En sortant de la ruche, la reine des abeilles s’envole aussi loin que possible et crée une nouvelle colonie d’abeilles. Une fois que dans une ruche se retrouvent deux reines des abeilles, l’une d’elles doit quitter la maison. Normalement c’est la vielle reine  qui s’envole en laissant sa place à la jeune abeille. Certaines abeilles s’envolent avec l’ancienne abeille-reine, tandis que d’autres restent dans la ruche.

Les grands et beaux mâles (faux bourdons) ne servent qu’à féconder les reines. Ils ne travaillent pas et ne fabriquent pas de miel. La reine choisit elle-même un partenaire et prend la position au-dessus. Les bourdons sont bien nourris. Mais leur vie insouciante ne dure que jusqu’à l’automne. Une fois qu’ils deviennent inutiles, ils sont chassés sans pitié de la ruche. Les bourdons grands, beaux mais épuisés de faim meurent et deviennent une proie facile pour les oiseaux. Le matriarcat chez les abeilles est cruel. Après avoir accompli sa fonction de fécondation les abeilles mâles meurent. Tel est le cruel romantisme de la nature.

Parfois, la reine meurt ou est tuée par un autre essaim. Ainsi, les abeilles ouvrières intrus peuvent attaquer la ruche pour tuer la reine et s’emparer de l’essaim. A ces moments-là un vrai combat commence. Dans la nature sauvage celui qui est plus fort survit. La reine est tuée, l’abeille intrus prend sa place. Et à partir de ce moment-là toutes les abeilles commencer à travailler pour elle. Telles sont les lois de la nature. Chez les abeilles domestiques, la situation est sauvée par  l’apiculteur qui remarque vite des espions ennemis et les chasse loin de la ruche.

Les capacités des abeilles sont incroyables. Elles ont cinq yeux chacune. Voilà pourquoi ils se repèrent bien en volant, distinguent des couleurs,  repèrent un danger opportunément. En hiver, toutes les abeilles tentent de soutenir la reine. S’il y a peu d’aliments la seule reine est nourrie. Puisqu’elle doit pondre et donner vie a l’essaim.

Parfois, les abeilles peuvent être de vrais tueurs. Une fois que l’aiguillon d’abeille est enfoncé dans le corps de la victime, il y reste planté pour toujours. L’abeille meurt, et son venin continue à agir. Un jour un chariot à cheval passait à coté du rucher. Brusquement les abeilles sont devenus agressifs et ont attaqué un pauvre cheval et son maître. Le cheval est mort de nombreuses piqûres. Son maître a eu plus de chance. Il s’est retrouvé en soins intensifs, mais est resté en vie.

L’évangile dit que le jour où les abeilles disparaîtront, l’humanité n’en aura plus que pour quatre ans. Mon père me le disait. Il l’a appris de son grand-père.

La journée de travail des abeilles commence au lever du soleil. Dès que le soleil apparaît dans le ciel, les abeilles s’envolent à la recherche. Les fleurs sont remplies de rosée du matin et de nectar frais. Mais l’abeille le récoltera dans l’après-midi quand l’excès d’humidité s’évaporera. Une abeille peut faire plusieurs vols par jour. Parfois, l’abeille intrus pénètre dans une ruche. Mais on ne la laisse entrer que si elle apporte le miel.

Un jour j’ai eu de la chance. Lorsque le père était absent, nos abeilles ont soudainement commencé à essaimer. La perte d’essaim c’est grave. En voyant les abeilles quitter la ruche, ma mère m’a demandé de les suivre. A ces moments-là, les abeilles ne sont pas dangereuses. Elles sont déconcertées parce qu’elles doivent chercher un nouveau endroit. De préférence, en laissant la ruche, l’essaim s’installe quelque part non loin. Quelques abeilles ouvrières font des investigations. Ils explorent le territoire et trouvent un endroit pour vivre. Cela peut être un rucher étranger, un creux d’un vieil arbre ou un autre endroit isolé.

Notre essaim s’est envolé au-dessus de la ruche et s’est éloigné de quelques mètres, puis s’est planté sur un grand peuplier près de la maison. Maman m’a demandé de mettre un filet de protection. Elle a pris un seau ordinaire et une brosse. Le peuplier n’était pas très grand, mais on a du pourtant aller chercher l’échelle. Maman a balayé doucement les abeilles désorientées dans le seau que je tenais en retenant le souffle. L’essentiel dans ces cas est de ne pas perdre la reine. Lorsque le père est rentré après le travail, l’essaim l’attendait docilement dans la cave souterraine. Les abeilles se sont bien installées dans une nouvelle ruche. Moi, j’étais heureuse et me croyais un vrai apiculteur. Puisque c’est moi qui ai aidé ma mère à attraper l’essaim.

 5. Sur le miel

 Le miel de fleurs. Il est toujours clair et transparent, a un goût délicat, fond en bouche. Il serait intéressant de calculer de combien de fleurs est composé ce bouquet fabuleux. Mais je ne pourrai le faire que dans une prochaine vie, si je suis une abeille et ai une fleur préférée. Pour l’instant je ne peux que me régaler du nectar doux, en le touchant par le bout de la langue et le faisant fondre  goutte après goutte, en savourant son goût délicieux. Il n’y a rien de plus délicieux que ce miel aujourd’hui.

J’adore le miel dès l’enfance. Je l’aime autant que je n’aime pas le lait de chèvre. Je me souviens qu’on me faisait le boire dans l’enfance. Après une grave maladie, pneumonie, j’étais une fille très maigre avec la peau claire et les cernes sous les yeux. Les parents ont acheté spécialement une chèvre pour me donner à boire le lait bénéfique. Mais je ne pouvais absolument pas me faire boire le lait de chèvre tous frais. Chaque matin et soir, en tirant le lait dans un verre, ma mère         m’ appelait à boire du lait. Le garçon d’à coté riait et en entendant ma mère crier, lui répondait, « Le temps de boire du lait. » Des années plus tard j’ai aimé le fromage de chèvre. Apparemment, le lait de chèvre me poursuivra jusqu’à la fin de mes jours. Dans le bon sens.

Bien que j’aie aimé le miel dès mon enfance, et plus tard je l’ai oublié. Il a été substitué par des confitures de substitution et des chocolats bon marché. Une grande ville n’aimait pas les émotions d’enfant et les vieilles habitudes. Une grande ville, que je n’ai jamais aimé aussi et d’où je m’évadais toute la vie. Si vite que je ne l’ai réalisé que vingt ans plus tard. Et je ne le lui ai pas pardonné. Et maintenant je m’évade  là où ça sent toujours le miel et mon enfance. Là où j’ai découvert mon identité, là où je me suis enfin réveillée et ai retrouvé ma vraie nature.

L’été chaud promettait une riche récolte. Les apiculteurs se réunissaient dans la forêt où ils emmènent préalablement leurs ruchers. Le pompage du miel ressemblait à un vrai rituel. Tout le monde était vêtu de vêtements blancs spéciaux, utilisait des masques-filets de protection pour le visage. Il fallait forcément prendre une douche. Ils allumaient le feu avec des bûchettes sèches et en remplissaient les conduites de fumée spéciales Quand les abeilles se mettaient à attaquer agressivement, on utilisait la fumée pour les répugner.

Les abeilles n’aiment pas des odeurs étrangères. Et ne confondront jamais son apiculteur avec quelqu’un d’autre. Dans les champs dominait l’arome de sarrasin, de fumée des bûchettes. On entendait bourdonner les abeilles étonnées. Pendant tout l’été, ils ont beaucoup travaillé en remplissant les alvéoles par le nectar vivifiant. Mais les gens venaient et enlevaient tout le miel.

Ma mère a grandi dans la famille de l’apiculteur. Mon grand-père était un apiculteur de Dieu. Les abeilles l’aimaient. Le grand-père ne portait jamais des masques de protection, n’avait pas peur des piqûres. Mais les abeilles ne voulaient même pas le piquer. Le grand-père allumait la cigarette et commençait à travailler avec le rucher. Après la guerre, le rucher est devenu la plus grande joie pour le grand-père.

Ma mère avec ses sœurs l’ont aidé dès leur enfance. Vira, Nadiia, Lioubov. Elles restaient toujours avec mon grand-père. Mon grand-père était le seul homme dans la famille, mais cela ne le dérangeait pas. Alors que la grand-mère était au travail, mon grand-père surveillaient ses petites filles. Tous étaient occupés en l’aidant dans le rucher. En regardant de vieilles photos en noir et blanc, je me transporte dans l’enfance lointaine de ma mère.

Je ne me sens pas des limites. Il n’y en a pas dans le temps. Je ferme les yeux. Je respire l’odeur de fumée, l’odeur de miel, j’entends des abeilles bourdonner et des sauterelles craqueter. J’entends même mon grand-père prendre une bouffée de cigarette. Je le vois s’occuper des abeilles avec beaucoup d’affection, parler avec elles et retirer des alvéoles d’abeilles remplies avec du miel. Je vois une petite fille qui est ma mère, avec ses sœurs courir avec joie vers la table. La Grâce et la joie de la vraie vie — verte et humide de la rosée, épaisse, dorée, délicieuse, comme le miel, gaie, retentissante comme un rire d’enfant, insouciante comme l’enfance.

Quand ma mère a épousé mon père, il n’a jamais pensé qu’il se passionnerait pour les abeilles et le rucher. Et puis mon père est devenu apiculteur. Ma mère l’accompagnait toujours et partout. Elle n’avait peur de rien. En s’occupant du rucher ne mettait que le filet de protection pour le visage en laissant les autres parties du corps ouvertes et non protégées. Tout le monde en était surpris, et ma mère juste souriait et aidait mon père.

Mon père aimait le rucher et a consacré vingt-sept ans au rucher. Son miel pourrait être conservé pendant des années du fait de faible taux d’humidité. Plus le miel se conservait, plus il est savoureux. Le miel correctement pompé peut se conserver pendant des décennies. Dans le monde, il n’y a que deux produits qui sont absorbés efficacement dans l’organisme humain. Ce sont le lait maternel et le miel.

Mon miel est absorbé chez moi à cent pour cent. C’est de la famille. C’est avec le lait maternel que j’ai sucé mon premier miel. Et la passion pour le nectar sucré m’a été transmise par mes parents. J’ai pris goût pour l’arôme de miel frais mélangé avec de la fumée.

Lorsque le père ramenait à la maison  un cadre de miel frais, nous nous mettions à  table. Le premier pompage et le premier miel le plus délicieux. Maman apportait du lait frais réfrigéré. Le père coupait les nids d’abeille d’où coulait un miel suave épais. Je léchais le miel des doigts, en buvant du lait froid. C’étaient les friandises les plus délicieuses dans ma vie. Et les jours les plus délicieux. Dehors le soleil se couchait, les tournesols tournaient après lui ses grosses jaunes têtes-fleurs. Les abeilles bourdonnaient d’un air mécontent dans la cour. Pendant ces soirées-la elles étaient particulièrement furieuses. Et même notre chien surnommé Valet se cachait prudemment dans sa niche.

Le père se souvenait de son enfance lorsqu’on n’offrait des bonbons que pendant les vacances. Tout le monde savourait le miel. Le jour du pompage du miel la famille se réunissait prés du rucher. On apportait du pain et du lait. Les hommes plus âgés préparait le vin de miel et le faisait goûter aux jeunes. Le père se souvient d’avoir goûté le boisson de miel étant encore un petit garçon.

En terminant ces lignes, je veux une chose: que tous ceux qui les lisent aient la vie avec du miel — suave, épaisse et délicieuse. Que la vie soit un vrai plaisir, un délice et une découverte. Ma mère le dit toujours. Dès son enfance elle a connu le goût du vrai bonheur de miel.

 6. Sur l’éternité

L’enfance, l’adolescence, la maturité. Le passé, le présent, le futur. Mais il n’ y a pas de limites à l’univers. C’est un espace, une vie. Un jour après être venu dans ce monde, l’âme reste elle-même. Il ne vieillit pas, ne change pas,  simplement acquiert plus de connaissances et de découvertes.

Il est impossible de perdre ce qu’on avait survécu autrefois. Il est impossible de perdre celui qui, comme il nous semble, s’en est allé autrefois. L’amour, les sentiments, les souvenirs restent à jamais dans notre cœur. Il suffit de fermer les yeux pour se retrouver dans un endroit voulu et revivre les moments préférés. Entendre les voix préférées. Serrer dans ses bras les personnes qu’on aime.

Tant notre mémoire garde les traces des actes de notre présence humaine, nous vivons. Et avec nous vivent tous ceux qui demeurent dans notre mémoire. La mémoire de l’homme est infinie comme l’Univers. Et nous sommes capables de démontrer tout ce qui est important pour nous. Se souvenir des moindres détails perdus, respirer les parfums oubliés, connaître les goûts manqués, revoir toutes les couleurs de l’arc en ciel, ressentir les touchers refroidis. Tout cela est possible. Il suffit de vouloir.

Et encore- de se réveiller. Oui, surtout se réveiller. Parfois, il me semble que j’avais dormi la plus grande partie de ma vie adulte. Parce qu’autrefois dans l’enfance une sorcière méchante m’a ensorcelée. Et un seul homme au monde seulement  pouvais me réveiller et seulement dans un certain endroit. Mais lui, par la volonté du destin s’est retrouvé dans un autre pays. Il semblerait que ma chance était perdu à jamais dans l’espace noir de l’éternité. Mais les miracles se produisent, si on y croit.

Un jour en se retrouvant sur une île magique, je me suis réveillée. Ainsi, sans le savoir, mon meilleur homme au monde m’a réveillé. Son baiser doux de miel comme un nectar vivifiant a pénétré dans mon sang. Et je me suis réveillée. Dorénavant ma vie se déroulait à une vitesse cosmique. J’étais pressée de vivre en essayant de rattraper le temps perdu, des années passaient pour moi en quelques jours. J’ai senti mon sang pulser dans mes veines comme la lave du volcan, qui se réveille.

J’ai commencé à me presser. Saisir avidement chaque instant, en remarquant tout ce qui est extrêmement ordinaire. J’ai découvert et réalisé ma nouvelle nature, ma vie et mon chemin. En un instant j’ai découvert toutes les connaissances que je cherchais toute ma vie. J’ai compris ce que j’avais cherché et voulu. J’ai réalisé qui je cherchais toutes ces années. J’ai savouré le miel dans les différents coins du monde: Ukraine,  France, Birmanie, Iran, Italie.

Et enfin, mon île le plus miellé, la Crète.  C’est ici que le miel était particulièrement délicieux. On pouvait savourer son goût suave à l’infini. Il était impossible de s’en rassasier. Le miel de pin, de sapin, de châtaignier et de cumin — mon préféré. Odorant, pâteux, corsé. Si bon qu’on voulait le manger simplement avec les doigts.

 7. Sur Koko

 Koko m’apprend à profiter de la vie. Non pas parce qu’il a quatre-vingts ans, mais parce qu’il faut prendre plaisir à la vie. «Bonjour»- dit Koko lentement, en traînant la voix et prenant plaisir à chaque son. De la même façon lentement et avec délectation il souhaite «Bon appétit». Son langage rappelle le miel épais qui coule sans hâte en couvrant un récipient avec sa viscosité dorée.

J’aime bien voir Koko sourire. Je regarde dans ses yeux. Ils brillent. De souvenirs, d’amour, de tendresse qu’il ressent à ce moment là. Je regarde dans les yeux de Koko et me l’imagine plusieurs années plus tôt -heureux et amoureux à coté de sa douce Carine. Je vois le premier jour de leur rencontre. Étant encore très jeune fille elle avait accompagné son premier groupe pour la visite guidée dans une ville alpine.

Carine était traductrice et parlait couramment l’allemand, l’italien et le français. Étant belle, aux cheveux longs châtain clair, elle a brisé le cœur de jeune Koko. Un jour après avoir plongé les yeux bleus profonds de Carine, Koko est resté pour toujours leur prisonnier. Les années, le temps, les séparations, les pertes n’avaient plus de l’importance. Pour l’amour la distance n’a pas de l’importance, même si sa longueur est l’éternité. Je ne demande pas, et Koko ne répond pas. Mais je sais qu’il est prêt à attendre Carine une éternité pour l’embrasser encore une fois.

Le dîner d’aujourd’hui est spécial. Nous restons à la maison. Je prépare une salade et fais mariner de la viande. Tu allumes le barbecue aux charbons de bois. Je pique un grand morceau d’agneau à l’ail. J’ajoute de l’huile d’olive, des épices. Je frotte entre les mains le cumin parfumé, que j’ai ramassé moi-même. Son arome se dégage entre mes doigts. Je sens déjà en bouche le goût de la croûte et laisse couler la salive.

Même si une femme ne mange pas de viande, elle doit forcément la préparer pour son mari. Une demi-heure plus tard déjà, nous déchirons avec les dents la chair molle dont s’écoule le jus rose. La viande est très bien préparée. Peut-être je ne serai jamais végétarienne.

Koko ouvre une bouteille de champagne français. Les bulles de la boisson magique sortent des coupes hautes. Le soleil s’immobilise un instant en se reflétant dans les bords de flûtes en cristal. Koko verse les dernières gouttes de champagne. Je ris et, selon la tradition, souffle dans une bouteille et fais un vœu. Tu as brisé soudainement ta coupe. «Par bonheur,» — la pensé a traversé mon esprit. Après le champagne, nous buvons du vin. Koko sourit et dit que je bois le vin comme une vraie Française. Je le prends pour un compliment, en me sentant un peu gênée.

Koko est toujours courtois et attentionné pour moi. Il me laisse passer en premier, m’ouvre la portière de la voiture. Ne me laisse pas s’occuper du ménage. Et quoique je fasse pour prendre soin de lui, je n’y arrive pas très bien. Koko laisse comprendre par son apparence que c’est lui l’homme et se comporte comme un gentleman. Koko me gronde quand je m’affaire dans la maison. Il me renvoie vers la chaise longue de la piscine. Je ne peux pas lui expliquer que je ne travaille pas, mais me repose.

Qu’est-ce qui peut être plus agréable que de faire ce que te plaît? Par exemple, préparer un petit déjeuner pour les gens qu’on aime, en murmurant une prière au dessus des plats qui sont servis sur la table. Couper la menthe qui a poussé dans ton jardin. Préparer avec elle le mojito pour les hommes les plus chers sur cet île.

Coco raconte qu’un jour il avait quitté la maison pour cinq minutes seulement, en laissant le portillon ouvert. Mais ce temps s’est avéré suffisant pour que les moutons affamés aient fait irruption dans la cour et aient mangé toutes les fleurs qui poussaient près de la piscine. Ces moutons avaient ignoré également le risque de tomber dans la piscine. Toutes les plantes dans la cour ont été dévorées sans pitié. Toutes les fleurs ont fleuri en un instant. Les moutons s’évadaient joyeusement et bruyamment. Leurs cloches faisaient écho encore longtemps dans les montagnes. Il parait que les moutons peuvent être dangereux. Surtout pour le jardin.

Toute la soirée nous plantions des oliviers, et puis des orangers. Nous croyions que les arbres étaient parfaitement alignés. Mais Koko nous a instantanément critiqué. On a du replanter tous les arbres le lendemain. Tout ce qui semblait parfait, était très loin de la perfection. Les jeunes gens trouve tout parfait, mais les vieux ont plus d’expérience.

Koko m’a demandé ce que je pensais de lui. J’ai dit la vérité. Je l’aime bien. J’aime la façon dont il vit, jouit de la vie, profite de chaque minute. Je n’ai pas dit  seulement que je m’inquiétais pour lui. Il aura quatre-vingts ans cette année. Il y a environ quarante ans, il était de notre âge. Je me demande ce que nous deviendrons dans quarante ans? Et puis j’ai demandé à Koko ce qu’il pensait de moi? Il m’a répondu que j’étais amoureuse.

J’ai raconté à Coco que j’écrivais un livre. Il a sourit en demandant si dans ce livre il s’agissait de nous deux? J’étais gênée, mais j’ai apprécié la perspicacité de Koko. Les personnes âgées savent tout, plus encore que l’on s’imagine. Souvent, en ignorant leur expérience, nous faisons toujours les mêmes erreurs, pourtant nous  aurions pu éviter la plupart d’elles.

J’entends Koko t’instruire «Fils, respecte toujours  une femme. En promettant quelque chose, remplis tes engagements. Prends soin de la femme, comme d’un vase en cristal. Ne le remplis qu’avec de l’eau pure et des fleurs fraîches. Ne laisse pas les fleurs mourir ainsi que tes sentiments. «Mieux» peut toujours arriver. Puisqu’il est partout. Mais tu dois avoir ton «assez». Tu dois t’en souvenir toujours».

Je te regarde furtivement. Et je me répète les paroles de Koko. Il peut être «mieux » toujours. Mais je suis content de ce que j’ai. Je voudrais que tu a confiance en moi.

 8. Sur la mer

Je vais à la mer. Bien que je sache déjà que je ne pourrai pas y toucher. Derrière tes paroles,  devant il y a un précipice escarpé. Pourtant je veux toujours voir la mer comme ça. La route serpente, mais je vais tout droit. Je n’aime pas les chemins faciles. J’entends les cloches au loin – c’est sont les moutons. Ils sont partout ici.

Je sens l’odeur de la mer et comprends que je m’approche de l’abîme. Je m’arrête et admire des couleurs autour. Une beauté sauvage. Simple et extraordinaire. Je marche avec précaution sur le sol, pour ne pas écraser des fleurs. Au bord de l’abîme poussent de nombreux lys. L’abîme est très abrupt, le sol sous mes pieds disparaît, et je me fige au-dessus du précipice. Au fond la mer d’un bleu turquoise bouillonne. Une cascade d’énergie incroyable y fait son apparition. Et la mer si douce cette fois brise sans pitié les vagues contre les rochers éternels. Les mouettes tournoient en attrapant un poisson de l’eau et emportent leurs proies au loin. Je ne peux pas bouger.

Un pin pleure au bord de la mer. La sève douce en coule. Je regarde fixement à travers la couronne épaisse dans le ciel et vois de gouttelettes brillantes qui s’écoulent des aiguilles moelleuses. A midi, je les vois de plus en plus nombreuses. Je me cache à l’ombre d’un arbre. Les personnes amoureuses qu’il abritait sous ses branches contre le soleil brûlant ne se comptent plus. Je regarde au loin, en sentant par le bout du nez un parfum délicat des aiguilles de pin.

La mer clapote au loin, au-dessus de laquelle volait autrefois  Icare, s’étant senti libre pour un instant. Le soleil se couche lentement, en promettant de revenir demain. Et je crois que demain viendra un nouveau jour et moi nouvelle,  heureuse, calme et aimée.

 9. Sur le petit déjeuner

Aujourd’hui, toi et Koko, vous travaillez depuis le matin dans le jardin. Il faut planter tous les arbres avant le départ. Les petits oliviers descendent en lignes parfaites vers le bas. Au dessus les citrus sont plantés avec eux. Mon jardinier préféré. Je suis prête à t’observer pendant des heures. Les gouttes de sueur s’écoulent le long de ton beau dos bronzé. Tu t’arrête de temps en temps pour faire un appel important. Je n’entends pas ce que tu dis. Mais l’expression de ton visage

m’inquiète. J’aurais tant voulu avoir une baguette magique. Résoudre tous les problèmes par un coup de baguette magique. Mais je n’ai qu’un simple couteau entre mes mains avec lequel je coupe des oranges pour le jus.

L’arôme du café règne à la maison. Aujourd’hui  j’ai des tartines grillées françaises sucrées pour le petit déjeuner. Je prends le pain d’hier, fouette ensemble les jaunes et les blancs d’œufs. J’ajoute du lait, du sucre et de la cannelle. Je ne respecte pas des proportions. Je fais tout à vue d’œil. Comme cela c’est vraiment bon. Je fais tremper le pain dans l’eau et l’envoie à la poêle chaude. Il faut toujours surveiller à la cuisson. Sinon le croûton doré sera cramé. On ne peut pas imaginer le petit déjeuner grec sans le yaourt. Le yaourt grec est épais et léger. J’aime bien y ajouter des fruits, des noix et du miel. Ensuite, je le repartis en trois portions dans de petits bols de porcelaine vraie. La confiture et le miel à mettre sur les tartines.

Voilà! Le petit déjeuner est prêt. Je hoche la tête vers toi et Koko.

Un jour j’ai voulu préparer pour toi et Koko un petit déjeuner ukrainien. J’ai passé toute une soirée à chercher le fromage frais, mais je n’ai trouvé que le fromage granulaire grec. Les beignets de fromage frais ont été beaux à vue. Mais par leur goût ils ressemblaient plutôt aux beignets ordinaires. Toi et Koko les ont  mangé tous. Pour ne pas me rendre triste. Mais je comprenais qu’ils n’avaient rien de commun avec les beignets de fromage frais sauf le nom. Conclusion: pour chaque plat il faut avoir de bons ingrédients.

Parfois, nous allons prendre un petit déjeuner dans le village. A l’intérieur du café-boulangerie cela sent une pâtisserie fraîche. Nicolas, qui promet de devenir propriétaire avant le novembre, tout en étant un chef-cuisinier salarié, a préparé déjà des croissants au chocolat. Nicolas a un sourire perfide quand je refuse de manger le deuxième croissant. Chaque fois il essaie de me faire manger, en disant que je suis trop fine. Je me retiens pendant cinq minutes. Et, sans compter les calories, je fais fondre avec plaisir le chocolat chaud dans ma bouche. Mmmmmmmm, c’est si bon. Encore une tasse de café grec et tous musthave de ce matin sont accomplis  «au pied levé». Combien de temps nous reste-t-il à vivre, ou plutôt, combien de calories y-a-t-il ?! Deux allers-retours en mer. Les vagues aligneront les courbes du corps.

 10. Sur le café

Une femme grecque prend son temps. Elle prépare un café en connaissance de cause. Pour le café, elle utilise un pot de café turc (cezve-ibrik) en cuivre avec une longue poignée et un col étroit. La dernière fois encore j’ai remarqué que la patronne du café disposait d’un kit de tels cezves-ibriks de tailles différentes. Il est impossible de  faire du café pour deux personnes dans un cezve qui est conçu pour quatre portions.

J’observe une femme sélectionner des grains. Ils sont conservés dans de petits bocaux spéciaux non transparents. Ensuite, la patronne moud le café dans un vieux moulin à café manuel. Elle verse séparément dans une tasse de l’eau glacée. Reverse la dans un cezve. Ajoute un peu de sucre et de cannelle pour la saveur. Le café est préparé lentement sur le feu jusqu’à ce qu’apparaisse une mousse abondante. La mousse ne doit pas dépasser des bords d’un col mince du cezve. Une telle mousse indique que le café est préparé correctement. Cela est considéré comme le plus haut niveau de l’art de préparer le café grec.

Traditionnellement le café grec est servi sans lait, avec du sucre et un verre d’eau froide. «Steen Agia sou!» – sourit la patronne et sert du café. En traduisant du grec «Steen Agia su » signifie «A votre santé». Nous buvons un café, en prenant notre temps, en savourant chaque gorgée et chaque instant de la vie.

 11. Sur la cuisine grecque

Les jours avec ses proches passent incroyablement vite. Avec ceux qui ne sont pas chers au cœur, le temps parait long. La nuit tombe. Nous allons dîner. Je ne peux pas choisir la tenue et réussis à me changer deux fois. Je décide à mettre une robe longue de soie ressemblant aux vagues de mer assortie à la couleur de tes yeux. Aucunes chaussures à talon, bien que je veuille être incroyablement belle. L’odeur de la mer reste encore dans mes cheveux en ondes. Son odeur règne partout. Je pense que même mon sang est devenu salé.

«Onar» est notre restaurant préféré. C’est le meilleur endroit sur la côte. Il est facile à trouver. Il est situé sous les étoiles même dans une baie tranquille. La cuisine y est délicieuse. Les notions  «perdre du poids» et «Onar» ne sont pas compatibles. On veut tout goûter- le poisson, les fruits de mer, la salade et, forcement, le dessert. Mais il vaut mieux goûter tout cela à des jours différents. Ou immédiatement après le dîner aller nager à la mer.

D’abord un léger apéritif est servi. C’est la coutume en France. Toi et Koko vous buvez de l’ouzo. Pour moi, cette boisson est trop forte. Je commande un cocktail. Je le déguste lentement à travers une paille, en essayant d’étirer notre temps. Je te regarde et Coco. Un Français grec nous rejoint et engage une conversation. Une simple soirée et une simple conversation. Le bonheur est dans l’ordinaire. Dans cette soirée, dans ce verre, dans cette conversation. Et dans nous mêmes.

Après l’apéritif, nous montons les escaliers au restaurant «Onar». Le patron nous accueille. Il est également le chef-cuisinier. Il parle avec Koko et me fait un compliment. Je m’arrête devant la vitrine ou est étalé un gros thon, voire sa partie.

Le poisson est si gros que la vitrine ne peut pas le tenir entièrement. A coté on voit une grande pieuvre. Je l’observe d’un air surpris.

Il parait que ses tentacules remuent, mais ce n’est que l’illusion. Non, nettement je ne deviendrai jamais végétarienne. Aujourd’hui, je veux une pieuvre grillée.

Traditionnellement, «le maître de la salle»  (maître d’hôtel) se met à coté de nous. C’est une personne qui accueille et raccompagne les clients, boit un coup « pour la route » et juste comme ça. Aujourd’hui c’est Michaeles. Il est un Grec natif. Il a les cheveux noirs, une barbe courte, une peau foncée et un regard chicanier. Michaeles parle couramment l’anglais. Il prend les commandes et apporte le vin. J’hésite entre le thon et le calmar. J’ai fini par commander un plateau de fruits de mer variés. Je veux goûter un peu de tout. Toi et Koko vous vous arrêtez au carpaccio de thon.

Au fur et à mesure que les plats sont préparés Mihaeles raconte comment les pêcheurs riverains ont attrapé un gros calmar d’un poids de quarante-cinq kilogrammes. Je regarde Michaeles avec méfiance, mais il est si convaincant. Et je le crois. Sur le mur il y a beaucoup de photos. Tandis que les hommes discutent de leurs sujets, j’étudie les portraits sur un mur. Ce sont les photos en noir et blanc sans mots racontant chacune sa propre histoire.

Au centre du mur il y a une photo qui a réuni toute la famille. Un homme âgé moustachu se trouve au milieu de la table. Il est vêtu d’une chemise blanche. Sur sa gauche on voit une jeune femme. Elle a de grands yeux et un regard sérieux. La femme est vêtue d’une robe de fête. Du côté de la table, en croisant leurs jambes sont assis deux jeunes hommes qui se ressemblent. Il parait que ce sont deux frères. Les deux sont habillés de vêtements claires.

En arrière-plan se cache une vieille dame au foulard blanc. Derrière elle — trois hommes moustachus. A coté de la vieille dame se tiennent deux petits garçons. Ils semblent surtout s’intéresser à poser pour la photographie. Un autre portrait représente quatre personnes. Au centre, un couple de personnes âgées est assise sur les chaises,  un homme et une femme. Sur leurs côtés se tiennent les jeunes femmes ayant posé les mains sur les épaules du couple de personnes âgées. Encore sur une autre photo j’ai vu des jeunes hommes dans les montagnes. Ils riaient et posaient maladroitement pour les photos.

Parmi les images en noir et blanc on voit une seule photo en couleur. Elle représente des jeunes homme et femme endimanchés. Je regarde attentivement  les photographies, où n’a été figé qu’un instant, mais je vois la vie de chacun qui est représentée sur les images.

Encore sur une photo je vois une grande vague de dix mètres faire chavirer un petit bateau de pêche. Mihaeles a croisé mon regard et apporté une copie de la photo pour moi personnellement. La photo a été prise de la baie, où nous nous trouvons maintenant, quelques années plus tôt. Il y avait eu une tempête, les pêcheurs rentraient chez eux. A ce moment un photographe se trouvait par hasard sur la côte. C’est lui qui a pris cette image exceptionnelle. Je remercie chaleureusement pour le cadeau.

Voilà on apporte nos plats. Je vois dans mon assiette la chair dorée du calmar, les tentacules de la pieuvre et une grosse crevette, accompagnées de légumes cuits: courgettes, haricots verts, carottes et pommes de terre. Nous commençons le repas. Le calmar craque savoureusement sous mes dents. Je mords les tentacules molles de la pieuvre. La chair tendre des crevettes est délicieuse, juteuse et sent la fumée. Je crains que les légumes soient de trop.

Tu me propose de goûter le carpaccio de thon. Les fines tranches de thon rouge foncé,  abondamment arrosées de l’huile d’olive et épicées qui n’ont pas le goût du poisson mais plutôt le goût de la viande. La prochaine fois je commanderai forcément le thon. Nous vidons une bouteille de vin sans qu’on s’en aperçoive et on nous apporte une nouvelle bouteille. Quand tu es avec moi, je n’ai pas peur de me soûler. Quand je suis avec toi et Koko je suis entre les bonnes mains.

Le dessert est toujours servi comme un cadeau. Aujourd’hui c’est une tarte aux pommes faite maison avec des boules de crème glacée. Est-ce que la femme peut refuser un dessert? Pas moi. La soirée peut durer à l’infini jusqu’aux dernières étoiles. Mais nous devons y aller. Michaeles apporte de petits verres pour le raki. Les Grecs croient que le raki améliore la digestion et en boivent trop.

Après un dîner copieux  et ayant une bonne humeur on peut balader sur le quai, mais avec précaution, car il est haut. Un détail important: Agia Galini n’est pas le meilleur endroit pour sortir et faire la fête. Ici règne une atmosphère de détente. Il n’y a pas de boîtes de nuit à Agia Galini.  Le glamour y est également absolument absent. Si vous souhaitez «vous éclater» il faut aller à la ville la plus proche, par exemple, à Rethymno. Mais je ne veux même pas tout cela. J’ai besoin de  simples choses et de crépuscules du matin, de yoga sur la plage. Et encore de regarder aussi longtemps que possible dans tes yeux sans me lasser de t’admirer.

Nous allons passer une soirée à Rethymno et y dîner. Là nous avons notre endroit préféré. Le restaurant est situé sur la deuxième ligne, d’où on ne voit pas la mer. Mais ce n’est pas grave. Puisque nous regardons l’un sur l’autre. Il y a du monde et c’est très bruyant au restaurant. On nous accompagne vers une table au fond. La carte présente tant de fruits de mer qu’on ne sait pas où porter son regard en premier. Les moules à la sauce tomate, les calmars frits, les calamars grillés, les crevettes grillées, les poissons variés, le carpaccio, les steaks de poisson. Oh-la-la-la! Aujourd’hui,  mon estomac aura du travail.

Je regarde autour. Il n’y a que les jeunes. Tout le monde mange beaucoup, parle, boit du vin et fume le chicha. Nous commandons des moules, une salade verte avec l’anchois salé, des crevettes grillées, des côtes d’agneau grillées au feu, des dolmades (feuilles de vigne farcies grecques). Le vin rouge aide à digérer les aliments. J’attends avec horreur le dessert. Et je ne me trompe pas. On apporte une assiette pleine de profiteroles gratuites, arrosées de chocolat chaud. Mais j’ai décidé de ne toucher à aucun des gâteaux. Nous retournons à la maison la nuit. Etant fatigués de la chaleur, du voyage, de la bonne nourriture et du vin, nous tombons sur un lit. Je me jure solennellement de nager vingt minutes d’une manière intense à la piscine le lendemain matin. Ehhhh … Peut-être aurais-je du mangé au moins un morceau de profiteroles?

 12. Sur les plages

Bien que  bronzer au soleil ne soit pas à la mode actuellement, on passe une demi-journée à la plage. Agios Pavlos, Triopetra, Skinaria sont nos plages préférées. Les amateurs de plongée sous-marine et de beaux poissons apprécieront Skinaria. Il y a tout ce que désire l’amateur de la beauté sous-marine. Le snorkeling est une excellente alternative à la plongée sous-marine. Vous n’en serez pas déçu.

On peut, ou même il faut  se ressourcer dans une taverne riveraine. Elle est la seule là-bas, et le poisson y est le plus frais. Le poisson est accompagné de pommes de terre cuites comme chez nous à la campagnarde et de fleurs de courgettes farcies, qui sont aussi les musthaves de la cuisine grecque. La route vers la plage Skinaria est aussi belle que la plage. Ici, vous verrez un serpentin,  des canyons et  l’église creusée dans la roche. Eh  si vous en avez  vraiment besoin, on peut tourner au monastère pour hommes de Preveli. Il est dans la même direction. Mais visiter le monastère sans visiter la plage de palmiers de Preveli sera un péché.

Chaque plage que nous avons visitée est exceptionnelle à sa maniere, il a son caractère, son propre style, sa propre histoire. Il faut être prudent sur les plages de Triopetri. Là il y a également celles nudistes. L’homme n’a jamais passé par là, semble-t-il.  Mais en se reposant pendant cinq minutes sur une plage solitaire de la petite baie silencieuse, vous pouvez vous réveiller par un bruit et des rires d’Allemands costauds plongeant dans l’eau. Ils s’étendront aussi indiscrètement  sur les rochers, sans cacher, dit-on, leurs parties intimes. Il y a, forcément, des plages nudistes officielles, mais nous ne les avons pas visitées.

Nous avons découvert par hasard une charmante baie, dont peu de gens  connaissent l’existence, je l’espère. On ne peut y arriver qu’à pied ou en moto. Le vent contraire joue avec mes cheveux. Je  cache mes yeux sous les lunettes et me blottis contre toi. Nous descendons de l’autoroute. La moto traverse la route de terre. Je m’imagine être la petite amie de James Bond accomplissant une mission périlleuse. Le lagon bleu  est un endroit secret que je ne livre pas, même sous la torture.

Les escaliers dans la roche mènent vers l’eau. Au fond il y a une baignoire à remous en pierre aux eaux incroyablement tièdes couleur d’émeraude. Il n’y a personne alentour. Fais ce que ton cœur désire, pratique la méditation ou prends un bain de soleil sur les rochers tièdes, ou plonge et admire des poissons. Ou pratique la vraie chasse sous-marine. Mon chasseur préféré. En vraie maîtresse de la maison grecque, je dois préparer le repas de pieuvre fraîche et de poisson gras pour le dîner.

 

13. Sur toi

Aujourd’hui, c’est le jour et le soir d’adieu. Demain tous partiront dans les trois différentes directions. On sent s’approcher un moment de dire au revoir. Koko dit qu’il ne veut pas partir. Je sens dans mon for intérieur une révolte. Mon agent m’a envoyé le numéro d’enregistrement pour le vol prévu. Tu cherches un propos pour rester. L’incertitude dure jusuqu’à la soirée. Tu prends une décision définitive: rester sur l’île encore pour quelques jours. Coco me demande si je reste.

« Oui, bien sûr! » — tout crie au fond de moi. Mais je te regarde avec réserve.

Je fais une pause aussi longtemps que possible, bien qu’au fond de moi les passions se déchaînent. Mes yeux disent plus que j’aurais pu exprimer avec des mots.

Je suis prête à prendre l’avion. Tu me demandes de rester. Quelques jours fabuleux nous attendent. L’île, toi et moi.

Le soir, tu emmènes Koko a l’aéroport. Avant de partir Koko m’embrasse et dit: «A bientôt!».

Au revoir, Koko. Tu me manques déjà.

Je t’attends à la maison, compte les étoiles, prépare un mojito.

« Je reviens bientôt » — tu m’as écris dans un message.

Il n’y a pas de femme plus heureuse que celle qui attend son chéri dans la maison confortable au bord de la mer. Elle croit en lui de tout son cœur, soutient de toute sa nature féminine. Elle sait qu’il conquerra les plus hauts sommets,  prendra les décisions les plus importantes, détruira tous les obstacles, renaîtra de ses cendres,  sera gagnant, non pas perdant. La croyance de la femme en l’homme le rend invincible.

Des montagnes éternelles, la mer et l’amour. L’amour est partout. Dans ces aubes, quand je regarde attentivement ton visage. J’ai peur de respirer et bouger pour ne pas te réveiller. Je fais semblant de dormir, quand tu te réveilles le premier et effleures de tes lèvres ma joue. Je voudrais que ce matin se reproduise à l’infini.

M’endormir dans tes bras est un vrai bonheur. Tu me serres dans tes bras doucement et fermement. Comme si tu as peur de me laisser un seul instant. Même la nuit, quand je m’écarte pour m’endormir. Tu m’attires vers toi à nouveau. Je voudrais savoir quels rêves fais-tu. Comprendre ce que te fait tressaillir la nuit? Je voudrais te chanter tous les chants-berceurs qui te manquaient dans l’enfance. Et embrasser tes yeux aux premiers rayons du soleil.

Quand tu gardes le silence, je t’entends mieux. Par mon cœur, mon âme, tout mon être. Je t’entends mieux, j’entends mieux moi-même. Mon cœur qui ne se trompe pas, parce lui  seulement sait comment faire mieux. On dit que la tête froide doit refroidir le cœur chaud. Mais je choisis le chemin du cœur. «Écoute ton cœur » — me dit ma mère. J’écoute  ma mère et mon cœur.

Je te dis bonjour, en ouvrant mes yeux. Je prends un café avec toi, même lorsque tu es loin. Peut-être en même temps tu prépares un café dans la même tasse que la mienne. Tu savoures ce matin. Est-ce que le café nous fera moins de plaisir si nous le prenons dans de différents coins du monde? Je ferme les yeux. Je suis avec toi. Je m’endors, t’embrasse doucement et fermement, même si tu es loin.

Le matin sent un café et un pain grillé. J’ouvre les yeux. Tu prépares un petit déjeuner. Le matin est si bon aujourd’hui. Quand on a un sentiment de bonheur infini, on veut que la vie fasse halte dans cet endroit, s’immobilise, fasse une pause. On veut savourer ce goût, l’absorber autant que possible. Retenir le mieux possible. Je cours pieds nus à la cuisine. J’y trouve non seulement un café, mais toi aussi. Tu sens aussi bon que le petit déjeuner que tu as préparé. J’essaie de glisser un morceau de pain croustillant, mais tu me renvoies d’un air sévère vers la piscine. D’abord nager et  puis — à la table.

Nous prenons un petit déjeuner au chant des cigales. Ils chantent sans arrêt, en inspirant et expirant légèrement d’abord et puis se remettent à chanter. Les cigales chantent seulement en saison chaude. Ils vivent dans des arbres et des buissons. Une personne inhabituée peut être choquée par  leur chant infini. Et puis on s’y habitue et n’y fait plus attention. Seuls les mâles chantent. Comme cela les cigales mâles attirent les femelles. J’écoute ton histoire sur les cigales, en buvant un jus d’orange. «… Tstststseee tststseeee, tststseee … le bonheur existe, le bonheur existe!» entends-je très bien.

Aujourd’hui c’est toi le cuisinier. Pour le déjeuner – le vin blanc et la salade  de tabulé. Tu coupes deux grosses tomates rouges sans les peler. Quand je prépare une salade, tu me dis que je coupe les tomates en très petits morceaux alors qu’il faut couper en grands morceaux afin d’apprécier  le goût de la pulpe. Je suis couchée avec les yeux fermés à coté de la piscine et sens l’odeur de la menthe fraîche coupée. Tes mains sentent également la menthe que tu haches avec le persil avec un grand couteau. Tu ajoutes le couscous aux tomates mélangées avec les herbes fraîches. Tu arroses la salade d’huile d’olive et de jus de citron frais. En laissant reposer la salade tu allumes le feu au charbon de bois et fais mariner le poisson.

Je te surveille en cachette en souriant. Il n’y a rien de mieux que lorsque ton chéri te prépares à manger. Le charbon de bois est prêt et le poisson tombe sur un gril. Quelques minutes plus tard le mulet est cuit. Il se trouve qu’on ne l’écaille pas, mais l’envoie immédiatement sur le gril du barbecue. Le soleil est encore haut mais il ne fait pas chaud. La Crète en mai est magnifique. Il ne fait pas chaud à terre. Le vent est tiède et agréable. La mer est n’est pas chaude, mais on oublie vite sa froideur en sortant de l’eau.

Je danse. Je danse quand je suis bien et pas très bien. Quand j’entends la musique, mon corps commence à vivre sa propre vie. Je danse également quand je pense à toi. Nous n’avons jamais dansé ensemble. Et il me semble, je ne sais pas pourquoi, que nous connaissons tous les pas possibles. Tu conduis, et moi je te suis. Notre danse est une conversation. Et on est à l’aise. Comme c’était il y a des centaines, peut-être des milliers d’années. Je sais tout sur toi, même ce que tu n’as jamais raconté. Et je sais tout de même. Comment? ..

Parfois, je pense que je t’ai rencontré trop tard. Que j’ai perdu moi-même, ne me suis pas portée, ne me suis pas gardée. Tout aurait pu être différent si je t’avais rencontré plus tôt. C’est que tout aurait pu être différent, si ce n’était que … Mais après je me calme, souris, en me disant que je n’aurais pas pu te rencontrer plus tôt ou plus tard. Je pouvais te rencontrer ou ne pas rencontrer. Et je t’ai rencontré. Mon miel le plus doux.

 

 

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